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Rechercher Derniers commentairesje ne cosionne pas le fait de la solitude de l'autteur
Par cristopher stand, le 04.10.2015
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Date de création : 17.09.2010
Dernière mise à jour :
21.01.2014
24 articles
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Morrisson, Banks, Irving, Harrison, Auster, Wolfe et bien d'autres… font la une du dernier numéro de Lire consacré à la littérature américaine. Mais, néanmoins Philip Roth demeure le géant des lettres américaines. Son dernierroman intitulé "Indignation" (196 pages, Gallimard) est remarquable. Cet auteur n'a cessé d'aiguiser sa plume et d’affûter ses idées comme nous l'avions déjà constaté dans un de ses premiers romans "L'écrivain des ombres".
Certes, Il y a les connus, les moins connus et ceux encore à découvrir... Il y a ceux qu'on dévore, et ceux qu'on déguste lentement. Ceux du best-seller, et ceux de la "jewish intelligentsia" mais tous, même lorsqu'ils sont en français ont le fameux "Knack" américain.
Il y a peu--car aujourd'hui, m'a-t-on dit, la chose serait passé de mode, et la mode c'est tout même outre--Atlantique---l'île de Manhattan était un véritable repaire d'analyses de tout poil et de toute plume qui revendaient confidentiellement les scapulaires du Dr Freud. On en comptait autant qu'il y avait d'habitants, Ainsi pouvait-on, sans trop d'embarras, « up town down town », s'allonger pour tenter, en quelques séances, de liquider ses différences. On allaitchez son analyste comme les duchesses du Grand siècle allaientchez leur confesseur. C'était charmant.
Vers la fin des années soixante, un gaillard du nom de Portnoy se mit à visiter deux fois par semaine le Dr Spielvogel afin de se débarrasser d'une fâcheuse disposition à la masturbation qu'il avait sans doute héritée d'une trop rêveuse adolescence.
A peu près au même moment, un autre gaillard assez similaire au premier, mais répondant, lui au nom de David Alan Kepesch, se précipitait sur le divan du célèbre Dr Klinger, car il se sentait menacé à chaque instant par une catastrophe endocrinopathique qui lui faisait s'écrier à tout propos: « je suis un sein! ». Ce qui --le rapport de l'analyse devait le révéler par la suite-- lui donnait « l'exquise sensation d'imminence qui précède une parfaite éjaculation ».
Les galipettes dans la verte prairie
Malgré un grand nombre d'interviews autant pernicieuses que salaces, on ne put jamais déterminer d'une façon nette si l'écrivain américain -- on devrait dire plutôt juif new-yorkais -- Philip Roth, qui avait pris sur lui de divulguer ces deux rapports d'analyse, n'était pas lui même hanté par les sournoises, mais tout à fait exquises, manipulations de grand papa Oman et les visions mammaires d'une apocalypse endocrinale. On ne put exactement faire la part de la fiction et de la réalité. Toutefois le Dr Freud ayant été relégué dans un placard, le divan éjecta, enfin libéré et tout nimbé d'une aura de scandale, un écrivain tout neuf.
Sans perdre un instant, Philip Roth se mit à gambader dans les sentiers de la littérature et du grandroman américain qui, comme chacun sait, « n'est pas éteint comme le Dodo, même s'il est mythique comme l'hypogriphe ». Ces galipettes dans la verte prairie américaine nous valurent quelques petits chefs--d'oeuvre bien corrosifs, et un précis sur le base-ball. Cependant, comme il n'existe pas une grande oeuvre d'écrivain sans roman autobiographique -- fût-ce même une vague tentative -- et Philip Roth s'étant refusé le divan comme moyen de se montrer dans toute sa candeur (mais pouvait-il prendre à son compte les turpitudes de Portnoy et de Kepesch ?), il lui fallut bien chercher d'autres moyens. Les effets de cette quête se firent vite sentir. Ainsi, lorsqu'un dans Ma vie d'homme (1971) l'un des personnages se mit à crier « la littérature m'a mis dans le pétrin, il faut qu'elle m'en sorte », nous comprîmes que nous étions enfin arrivés aucoeur du problème à se point crucial où l'écrivain jette le masque et nous nous mîmes aussitôt à considérer le héros duroman, Nathan Zukerman, célèbre écrivain juif new-yorkais, comme un possible double de l'auteur
Avec L'écrivain des ombres, Philip Roth vient d'ajouter un nouveau chapitre à cette autobiographie où l'on ne sait plus très bien, tant les personnages ont des profils biseautés, qui est qui, ceroman n'est pas comme on aurait pu s'y attendre une suite à Ma vie d'homme. Généralement, les écrivains donnent plutôt dans le genre 'vingt ans après" mais Roth fait le contraire. Si Nathan Zuckerman reparait comme héros dulivre, c'est rajeuni de vingt ans. Il vient d'avoir vingt trois ans et se prépare ( comme Roth à cet âge, si l'on en juge par les courtes nouvelles qu'il a déjà publiées), unebelle carrière d'écrivain à scandale. Plaqué par sa petite amie qui tricote de l'entre--chats au New York City ballet pour avoir, en dérapant dans sa cuisine, "balancé" sur le linoléum une vague intruse ( j'en étais alors à ce stade de mon développement érotique où rien n'existait autant que de faire l'amour par terre') chassé du clan familial par son père qui a subodoré dans une de ses nouvelles quelques allusions peu orthodoxes(« Peux-tu affirmer qu'il n'y a rien dans la courte nouvelle qui pourrait réchauffer lecoeur d'un Julius Streicher ou d'un Joseph Goebbels? »), Nathan Zuckerman est en quête désespérément tout à la fois d'un sein et d'un cordon ombilical auxquels se raccrocher. Rendant visite un après-midi d'hiver, un peu comme on va à un pélerinage, au célèbre écrivain E. I . Lonoff qui vit retiré à la campagne, il trouve l'un et l'autre.
De fait, étrange journée que celle qui se prolongera jusqu'au lendemain matin et où « au-dehors, c'était comme au temps du muet où l'on créait des tempêtes deneige en éventrant des traversins devant un ventilateur ». D'ailleurs, la tempête n'est pas seulement réservée aux dehors ; à l'intérieur de la maison, les verres et les assiettes volent. Lenoff qui, au fil des heures, de Dieu inapprochable est devenu le pire spirituel de Nathan, tonne contre safemme Hope, une véritable WASP (white anglo-saxon protestant). Hope pour Lenoff, l'écrivain juif, l'émigré a été longtemps l'ancre qui lui a permis de mouiller, de mettre un terme à son errance de juif. Très vite on comprend qu'elle figure également l'autre versant de cette culture métissée vers laquelle tend tout juif qui veut devenir écrivain américain. Derrière Hope et Lenoff, c'est en fait Nathan Hawthorne et Isacc Babel qui en vienne aux mains. Cependant même par grands écrivains interposés, il est difficile de demeurer toute une vie lafemme de Tolstoï. Les collines de Massachusetts ne sont peut-être pas Iasnaia--Poliana mais il y a des gares, et les écrivains qui aspirent à l'errance ne sont pas les seuls à y prendre des tickets de quai. Mais ce sont les surprises que nous réserve cette étrange journée où l'on voit soudain Anne Franck ressuscitée sous les traits d'uneLolita "new-look" au regard langoureux d'infante de Vélasquez. Sauvée de l'holocauste, elle s'ébat dans les papiers du grand écrivain, mettant à rude épreuve les sens du pauvre Nathan. Nathan épousera-t-il Anne Frank? La suite est au prochain chapitre ou plutôt au prochainroman déjà paru aux États-Unis : « Zuckerman délivré », où l'on retrouvera Nathan, auteur de Canovsky, unlivre à scandale qui pourrait bien être un nouveau Portnoy et son complexe , un complexe qui se nommerait peut-être Anne Frank.
Philip Roth annonce toujours la couleur. Anne Franck en fait n'est qu'une passerelle. La dédicace de L'écrivain des ombres à Milan kundera nous le confirme. C’est vers Prague, en quête du fantôme de Kafka, que se dirige l'auteur de Portnoy. Juste retour des choses, Kafka n'est-il pas le seul écrivain jusqu'à ce soir qui ait, avec l'Amérique attrapée quelques plumes de cet oiseau mythique qu'est le Grand roman américain?
Hier, on nous apprenait que Hitler était toujours vivant. Avec ce roman, on nous apprend que c'est Anne Franck. Et s'il l'on faisait « pouce » à l'Histoire en disant que tout cela n'a compté que pour du beurre, et qu'on reparte à zéro dans notre partie de chat perché ? A présent, qui sera le chat et qui sera la souris ?
FATHI CHARGUI