Lire Hors-Serie : Jean-Paul Sartre

Publié le 25/10/2010 à 16:35 par journaldesartsetdeslettres Tags : chez france roman background nature art rose soi texte sexe jardin douceur jeune 2010 homme musique mort mer pensée
Lire Hors-Serie : Jean-Paul Sartre

 

30 ans de la mort de Sartre

Avril 1980-Avril 2010

 Que reste-t-il de Sartre?

D'abord, un souvenir, fort comme tout ce qui remonte quand quelqu'un qu'on a croisé dans les livres est mort voilà trente ans et qu'on lui rend un vibrant hommage. Les philosophes, de nos jours, répugnent à parler de leur vie. Excès de pudeur ? Peur du péché de narcissisme? Refus de se mettre à nu? Orgueil de la pensée? Impossible de généraliser. Pourtant l'évidence est là. Le lecteur aujourd'hui ne sait rien de la vie d'Althusser, Foucault, Serres, Derrida, Deleuze ou des autres. Rien, sinon un itinéraire de carrière et les livres qu'ils nous ont donnés. Les autobiographies ne sont plus que conceptuelles, mais comment découvrir un homme derrière un concept?Cela nous apprend-il s'il aime la musique ou la mer, s'il souffre en écrivant ou a peur de la mort?Barthes avait bien essayé d'introduire, entre les mailles serrées de l'analyse, l'imprévu du sentiment, les hésitations de l'humeur et les oscillations irrégulières du plaisir et de la tristesse. Mais encore fallait-il les décoder derrière un dense réseau de défenses intellectuelles. Le moi serait-il si haïssable et la petite musique de nos villes ne serait-elle que l'affaire des littérateurs et des poètes?

Sartre n'a pas eu, heureusement pour nous, cette réserve. Son "impudeur" et sa sincérité, l'aveu de ses cas de conscience ont enrichi la nôtre. Sa vie a été le matériau de son oeuvre, et il n'a jamais eu la "délicatesse" de les dissocier. Elle a fait ainsi partie de notre aventure.

Qu'aurait-il pensé des coquetteries du "philosophe masqué' qui s'est exprimé-- mais est--ce cela s'exprimer?--. quelques jours avant son décès dans les colonnes du Monde ? Il y révait anonymement d'une "année sans nom". Chaque auteur abandonnerait pour douze mois sa signature, car "le nom,disait-il, est une facilité". Voilà bien une phrase et une sujétion aussi sartrienne que possible. Les chemins de la liberté passent aussi--- Sartre nous l'a appris--- par volonté d'assumer son nom. En matière de responsabilité, il a encore beaucoup à apprendre à nos clercs.

Fathi Chargui