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Publié le 26/09/2012 à 10:34 par journaldesartsetdeslettres Tags : vie moi monde amour homme coeur france roman mer carte nuit littérature livre ange voyage pensée livres tendresse lecture voyages

le magazine littéraire n°522: août 2012{éditer}

 Le magazine littéraire n°522 / août 2012 : 10 grandes voix de la littérature étrangère

  Lecture de vacances

 Côté littératures étrangères, l’écrémage est réalisé par les éditeurs qui sélectionnent , achètent et font traduire le meilleur de la production publiée hors de France. De là à dire que tous les livres étrangers publiés en France sont bons, il y a un pas que nous ne franchissons pas: un éditeur peut toujours se tromper, rester fidèle à un écrivain dont il espère un meilleur livre, tandis qu’une traduction peut transgresser  le rythme d’une langue.

Il reste qu’on relit aujourd’hui avec plaisir de grands auteurs venus d’ailleurs trouvant parfois en France une consécration que leur refuse encore leur pays d’origine. Ainsi,  nombreux sont les auteurs qui ont trouvé une terre d’asile dans les librairies françaises.

La découverte et retrouvailles que nous vous proposons aujourd’hui vous entraineront autour du monde. Joyce Carol Oates avec “j’ai réussi à rester en vie”, Russel Banks avec « Lointain souvenir de la peau »,Jorge Semprùn avec « Le fer rouge de la mémoire »,Peter Handke avec « La nuit Morave »,John Maxwell Coetzee avec «  De la lecture à l’écriture »…

Ce florilège de romanciers ne saurait rendre compte de manière exhaustive d’une production désormais généreuse. À travers la découverte d’une Milena Agus avec «  La contesse de Ricotta », nouvelle étoile du roman italien, à travers aussi la révélation d’un Edouard Limanov avec « L’éxcité dans le monde des fous tranquilles, chroniques 1989-1994 » , à travers encore la relecture d’un Antonio Tabucchi avec «  Le temps vieillit vite », à travers enfin Mario Vargas Llosa avec « Le rêve du celte » qu’il faut retrouver après Haruki Murakami avec « 1Q84,livre3,octobre-décembre ».

Ce panorama n’a en définitive qu’une seule ambition : indiquer que si la littérature à des patries, elle ne connaît pas les frontières.

 FATHI CHARGUI

Le Magazine Littéraire- juillet-août 2012 : Eloge du voyage{éditer}

Le Magazine Littéraire: Eloge du voyage

C’est ce qu’on appelle reportages. Voyage-t — on pour oublier ou pour se retrouver ? Voyage-t — on pour changer, devenir autre, expérimenter sur le vif les mille façons d’être homme ou, pour découvrir et maintenir l’acquis fragile de sa culture ? Que — – et qui — – transporte-t — on quand on voyage ? Tout voyage — – lorsqu’il prend la plénitude de son sens– – ne serait-il pas l’ultime écho en nous des grandes migrations animales, le besoin d’être sous d’autres horizons pour survivre ? Je voyage pour désapprendre bien plus que pour apprendre, je voyage pour devenir l’étranger de moi-même, je voyage non plus pour déflorer l’horizon, pour redonner virginité à mon blason. Je ne saurai pour autant oublier mon identité, ce « misérable petit tas d’os et de secrets » qui maintient contre vents et marées, contre errance et altérité, la cohérence du corps et du mental. Je n’ai gardé d’oublier en chemin les compagnons qui m’ont précédé dans les pays du soleil et du sang. J’emmène avec moi les morts et les vivants. L’on sait que voyager, c’est aussi se déplacer au coeur du temps. Qu’importe l’espace transparent des siècles ? Ibn Khaldoun et Hérodote m’ont très longtemps accompagné sur mes chemins, j’ai mis mes pas sur leurs empreintes. Quelle cohorte en ces routes si l’on pouvait discerner toutes les rumeurs, tous les fantômes qui vous précèdent ! Compagnon de mon apprentissage, instruits des mille métiers et étapes des siècles, ils me guident vers des relais crépusculaires où je retrouve, bruyamment  attablé, Ibn Batouta, Fernand de Magellan, et d’autres globe– – trotteurs dont j’oublie maintenant les noms. Nous menons grand tapage, le choc des verres fait trembler les vitres et les livres. Chaque halte dans le temps est comme espace blanc entre les lignes. À la croisée de tels chemins, le voyageur ne se sent-il pas devenir le visiteur de lui-même, l’extraterrestre de son siècle ?

Partir, dit-on, c’est mourir un peu. Il est pourtant des voyages qui sont autant de retours à la vie. Des voyages au très long cours, des voyages toujours inachevés. Est-il d’ailleurs jamais question de débarquer vraiment ? Par hasard ou par nécessité, par amour ou par tendresse, par nostalgie ou par illusion, on s’est un jour retrouvé moussaillon ou passager clandestin et l’on a su tout de suite que cette errance-là serait la vie. Pour l’un, le périple a nom Le Clezio, pour l’autre, il s’appelle Umberto  Eco, ou Mozart , ou Michel Ange , ou Rodin ou encore Saint Phalle ou Peï .

Ainsi, pour beaucoup, oh, bien sûr, l’errance prend tous les jours des chemins de traverse et croise mille autres routes . Cependant, les étapes de ce si long voyage en viennent à se constituer comme une immense terre natale avec ses villes, ses campagnes, ses bourgs , ses ports , ses forêts , ses plages , ses monts , et ses sommets.

 Qu’est ce que l’errant , se demande Alexandre Laumonier :  Simplement , une personne qui ,à un moment donné , et sans attache particulière , solitaire ,   se déplaçant d’un lieu à un autre ,  «  étrangers en tous pays » , pourvu d’une drôle d’allure -l’allure , bien avant de désigner l’apparence désigne bien la manière de marcher -déambulant , en apparence sans véritable but ?Gérard de Nerval , Stevenson , Diderot , Rousseau , Chateaubriand , Walt Withman , Jacques Lacarrière ?Qui est l’errant ? Qui est l’écrivain voyageur ? N’a-t-on pas nommé Rimbaud ‘l’homme aux semelles de vent’ ?

Errer, est-il un acte de méditation ou de réflexion philosophique ? Bernard Delvaille dissipe le doute : « Flânerie, promenade, errance, même visage d’une quête , qu’il ne faut pas confondre » . Stevenson, nous renseigne : « je ne voyage pas pour aller quelque part , mais pour voyager , je voyage pour le plaisir du voyage . L’essentiel est de bouger, d’éprouver d’un peu plus prés les nécessités et les aléas de la vie. De quitter le lit douillet de la civilisation et de sentir sous ses pas le granit terrestre et, par endroits, le coupant du silex.

En tout état de cause, il est impossible pour les passagers du navire de l’errance d’ignorer plus longtemps ces capitaines de la littérature. Ils ont beau ne pas tracer sur la carte la même route, ils relâchent dans le même port : la grande fringale d’absolu.

S’il est vrai qu’Hérodote lisait ses voyages en public, à Athènes, il n’en demeurerait pas moins que l’errance nourrissait  l’imaginaire des écrivains, historiens, archéologues et voyageurs. L’errance, a été depuis la nuit des temps, un temps dont l’homme se constituait en tant que sujet face au lieu. « Se poser le problème de l’errance revient à esquisser une pensée du milieu pour fonder une poétique du lieu », écrivait Laumonier. Que l’on veuille ou non « l’homme est fondamentalement dans l’errance ; il n’y tombe pas par accident », relevait Heidegger. L’homme est fatalement engagé dans l’errance. Une condition humaine. Même amputé d’une jambe à Marseille, Rimbaud, l’homme aux semelles de vent, ne pense qu’à repartir. Voyages à l’intérieur du voyage. Parmi tant  d’invités à le pratiquer, devant tant de merveilles et d’étonnements, devant ces paysages déserts et ces civilisations magnifiques que l’écriture d’Hérodote seule sauvée des sables, les limites du monde antique à ce qu’il paraît  n’ont pas reculé avec ou sans guide : l’éblouissement reste total et l’errance entière.

Peu de régions au monde offrent au promeneur en quête de sublime les ravissements que la Méditerranée est susceptible de dispenser. Errer au hasard dans les cités ( Athènes, Carthage , Rome , Marseille…) des bords de la Méditerranée , c’est faire le pèlerinage dans une authentique cité de l’art . Que les stations du périple s’appellent Tunis , Barcelone , Marseille , Palerme , Athènes , le voyageur qui le voudrait ne parviendrait qu’au prix d’une rare mauvaise foi à  échapper aux formes et aux couleurs de ce berceau du beau , des civilisations millénaires : ce n’ est pas par-dessus cette mer que les échanges se sont faits , c’est à l’aide de cette mer . « Mettez à la place un continent, et rien de la Grèce  n’airait passé en Arabie, rien de l’Arabie n’airait passé en Europe , rien de l’Orient n’airait passé en Provence , rien de Rome à Tunis . Mais sur cette eau depuis des millénaires, les meurtres et l’amour s’échangent et un ordre spécifiquement méditerranéen s’établit » écrivait  Jean Giono.

FATHI CHARGUI